Luc Frayssinet

 

Interviewé en mars 2021
Depuis 1980 chez FRAYSSINET.

 

 

 

> BEAUCOUP D’ÉVÉNEMENTS ONT EU LIEU DEPUIS VOTRE DERNIÈRE INTERVIEW, OÙ EN EST L’ENTREPRISE FRAYSSINET EN FÉVRIER 2021 ?

« De manière générale, l’entreprise se porte bien grâce à une gestion volontariste et sage. Comme nous le dit souvent notre Directeur Général Opérationnel et Financier Jean-Marc Guerrero « il faut toutefois savoir raison garder ». Nous avons vécu en 2020, notre 150e anniversaire en pleine crise Covid et pu honorer sobrement toutes ces décennies de travail collectif au service de l’agriculture.

Un comportement exemplaire de tous nos services nous a permis malgré la situation de tenir nos engagements de fournitures dans les délais auprès de notre réseau de distribution. L’organisationnel mis en place depuis quelques années par notre Directeur Industriel Guillaume Lopez et ses équipes a fonctionné à plein régime, non seulement en fertilisants organiques mais aussi en supports de culture et biostimulants. L’installation, il y a deux ans, d’une ligne de conditionnement dédiée aux spécialités liquides et biostimulantes est tombée à pic pour assumer les productions en complément de notre sous-traitant historique. Nous avons conservé voire conforté certaines positions commerciales stratégiques par un excellent travail terrain de nos responsables régionaux, un management précautionneux de notre Directeur Commercial et Marketing Lionnel Faber et un soutien actif et adapté de notre Directeur Communication Matthieu Grebot. »

 

> AUJOURD’HUI, VOTRE MÉTIER BÉNÉFICIE D’UNE RECONNAISSANCE ET D’UNE MÉDIATISATION DE PLUS EN PLUS FORTES ?

« Oui c’est vrai, on en parle de plus en plus comme étant la meilleure pratique pour assurer la dimension nourricière saine pour les générations futures.

C’est une excellente chose que les fondamentaux de l’agronomie soient de retour après des décennies à considérer le sol comme un support inerte alors qu’il est la base vivante de toute la filière agricole. Cette évolution est salutaire, elle génère beaucoup de convoitises et d’effervescence que nous devons surveiller. Les autorités compétentes doivent vigiler afin de protéger la crédibilité de la branche organique élaborée, de la biostimulation, mais aussi les produits de masse non issus du résiduaire. Certains produits résiduaires issus du traitement des eaux (MIATE) sont aujourd’hui mis à mal par de nouvelles réglementations. À la demande des consommateurs qui désirent plus de transparence dans les modes de productions et de naturel dans leurs assiettes, les productions agricoles connaissent une évolution sans précédent. De même pour les espaces verts en général, les pressions environnementales et sociétales plébiscitent majoritairement les fertilisants organiques.

C’est une grande satisfaction pour moi de vivre cette nouvelle dimension qui fait passer notre groupe en 30 ans, d’un marketing de la promesse à un marketing de la preuve, grâce à la qualité de notre service R&D et aux accords qui nous lient à des centres de recherche et d’expérimentations. La création, en 2017, d’une « Caution technique » constituée de notre Directeur R&D Olivier Demarle, Gilbert Garapin, Marie-Emmanuelle Saint-Macary et Quentin Protsenko à la règlementation, sécurise les mises en marché des diverses productions.

L’éthique qui nous guide nous a obligés à trois reprises à nous positionner en lanceurs d’alerte (loyauté des pratiques RSE) face à certaines dérives opportunistes comme c’est le cas depuis juillet 2020 dans un dossier concernant des produits azotés d’importation. »

 

> DEPUIS CINQ ANS, L’ÉVALUATION RSE VOUS A-T ’ELLE APPORTÉ UN RÉEL BONUS ?

« Oui. Incontestablement notre approche sociétale historique a été structurée et confortée grâce à l’ISO 26000. Ceci nous a permis de redimensionner certaines relations avec des parties prenantes sensibles à ces approches pragmatiques, respectueuses et engagées. La RSE fut un très bon choix tant au niveau humain qu’au niveau économique. Tous les membres de l’entreprise y adhèrent activement, ce qui conforte leur fierté d’appartenance.

L’état d’esprit maison a toujours été de mettre en congruence les promesses avec les actes. C’est au respect des engagements que l’on juge une entreprise et ses acteurs, RES NON VERBA (des actes, pas des mots). »

 

> QUELLES ÉVOLUTIONS SONT DICIBLES À CE JOUR SUR LE FUTUR DE L’ENTREPRISE ?

« L’objectif majeur est de maintenir les divers équilibres économiques, sociaux et éthiques qui génèrent le « grand équilibre » avec la pleine conscience de leur interdépendance. En termes de gouvernance, nous réfléchissons et préparons sagement des mises en place pour assurer l’avenir dans la stabilité. Une nouvelle étape se prépare et sera officialisée en son temps. Rien ne sera fait dans la précipitation afin de ne pas perturber l’harmonie du dispositif en place.

Je peux affirmer qu’avec l’aide de notre CODIR, l’entreprise est bien guidée. La montée en puissance de la sixième génération, Romain mon fils à la Direction des Achats, Yann et Willy les enfants de Thierry, comme DRH et Gérant de notre site de production de Donzère, éclaire sur l’avenir et rassure nos parties prenantes.

C’est au total neuf garants qui animent les divers services avec responsabilité, conséquence et humilité. Avec mon frère Thierry, nous savons que nous devons « simplifier et encourager » de manière constante nos collaborateurs engagés et déléguer au maximum. Le travail de chacun n’en est que plus gratifiant et mieux réalisé. Comme chacun le sait, je suis très attaché aux valeurs constructrices de la confiance qui nous est accordée par nos clients, nos collaborateurs et nos fournisseurs. Il faut continuer à les cultiver sur base de respect par une bonne communication. Sans aucun complexe, je revendique « l’autorité bienveillante » comme le meilleur mode de management pour aboutir au « pragmatisme convivial » c’est-à-dire, mixer l’efficacité, le plaisir et la reconnaissance au travail. C’est celui qui rassure et incite chacun au dépassement de soi. La gouvernance par sa vision et sa hauteur de vue doit tirer tout le monde vers le haut, faire grandir ses collaborateurs et diffuser une attitude inspirante. Cette méthode a fait ses preuves chez nous depuis très longtemps. Pour réussir avec les gens, il faut les écouter et les aimer c’est l’empathie, tout le monde le sait mais peu l’appliquent, car c’est un art. Ce n’est pas un hasard si l’université d’Harvard, considérée comme la meilleure au monde, vient de rajouter la notion « d’amour » et enseigne les mérites du bonheur au travail, dans ses cours de management. »

 

> QUEL EST VOTRE ÉTAT D’ESPRIT APRÈS 40 ANS AU SERVICE DE LA PME FAMILIALE ?

« J’éprouve un profond besoin de diffuser mon expérience et pratiquer la parrésia afin d’éclairer sur l’amont qui nous a emmenés au rang de leader métier respecté. À mon âge, on peut plus facilement dire la vérité même si elle heurte. Ne pas le faire serait une faute grave devant les diverses générations et l’ensemble de nos parties prenantes. C’est l’esprit de responsabilité de ma fonction, toujours faire de son mieux et assumer le grave lorsqu’il se présente. Depuis 1995, départ de notre père Jacques, j’assure la présidence, les responsabilités liées et la défense de l’intérêt général dans le profond respect des ipséités et des intérêts de chacun.

Une des clefs de notre stabilité durable fut l’obstination à constituer, à organiser et à conserver des équipes sérieuses et fiables à tous les étages de l’organisation.

L’étape de la transmission est en cours. Comme dans une course de relais, il y a une zone de passage de témoin. Je suis aujourd’hui dans le dernier virage, croyez-moi je le savoure. Il me reste quelques foulées pour aider l’ensemble du groupe, peaufiner le charisme de la marque et terminer mon parcours. J’encouragerai alors sereinement les prochains relayeurs avec la satisfaction de l’œuvre accomplie.

Mais ça, c’est pour dans quelques années ! »

 

Luc Frayssinet

 

Propos recueillis par Thibault Touzeau

 

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