Marie-Emmanuelle Saint-Macary

 

Interviewée en mai 2021
Depuis 2018 chez FRAYSSINET

 

 

 

> QUEL REGARD PORTEZ-VOUS À VOTRE MÉTIER DE SCIENTIFIQUE AUJOURD’HUI ?

Engagée chez Frayssinet pour poursuivre et enrichir l’œuvre commune de recherche initiée par mes prédécesseurs, notamment sur l’aspect global des apports de la nutrition organique en agriculture, il m’incombe d’apporter des innovations efficientes et transversales pour parfaire les systèmes de productions végétales afin de relever les défis du XXIème siècle.

Plus que jamais, l’agriculture est au centre de tous les intérêts socio-politico-environnementaux avec des challenges de résilience colossaux pour un futur globalement viable pour nos enfants et notre terre. En tant que femme, qui plus est issue du milieu rural, biologiste passionnée par le génie du vivant, scientifique convaincue du bien-fondé de l’avancée des connaissances, chercheuse-expérimentatrice assurant le lien avec le milieu agricole que je côtoie depuis toujours, il m’apparaît désormais prioritaire d’assumer la volonté de servir une agriculture nourricière à moindre coût environnemental en mettant à profit mes acquis. Et ce d’autant plus à l’heure où la science apparaît de plus en plus ésotérique à une grande partie de la population.  Ayant eu la chance de grandir bercée par un crédo familial fort que la « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » (Rabelais), je persiste à promouvoir le progrès agronomique avec une véritable éthique scientifique. C’est dans cette ligne de conduite que je rejoins pleinement la notion de « transmission des valeurs » de façon générationnelle avec responsabilité et exemplarité promue par Frayssinet.

 

> SELON VOUS, QUE REPRÉSENTENT LES BIOSTIMULANTS EN AGRICULTURE ?

Ces produits qualifiés d’innovants aujourd’hui font, en fait, partie d’une logique « organique » que nos anciens pratiquaient par empirisme. Le concept de la stimulation des plantes n’est pas nouveau ! Pour preuve, l’Osiryl (Frayssinet), produit de stimulation de la croissance racinaire, a vu le jour dans les années 90. Ce type de produits, alors innovant, n’a pas eu l’essor attendu du fait des systèmes intensifs utilisés depuis l’avènement de la chimie au milieu du XXe siècle. C’est la prise de conscience environnementale du début de ce siècle qui a mis sur le devant de la scène ces alternatives, aujourd’hui plébiscitées par bon nombre de compagnies.

Cependant, de nombreuses spécialités dites biostimulantes sont avant tout des biofertilisants (nutrition) ou des facteurs de croissance des plantes (phytohormones).  Au final, les solutions actuelles sont majoritairement utilisées pour se substituer aux intrants de synthèse et répondent davantage à une demande sociétale d’intrants naturels. Or, le potentiel de la stimulation réside dans la recherche de solutions innovantes et de rupture à la fois dans un but de résilience d’intrants (fertilisants et pesticides) et de performance agronomique afin de permettre d’incrémenter les niveaux de production pour répondre à une demande alimentaire mondiale croissante.

En tant qu’experte des produits de stimulation à l’échelle nationale et européenne, il me semble que le réel défi de l’agriculture actuelle est d’intégrer les biostimulants sensu stricto dans une approche globale d’optimisation ou de redéfinition des systèmes de culture en prenant en compte la rhizosphère et la durabilité du sol cultivé.

 

> COMMENT DÉPLOYER CE POTENTIEL DE STIMULATION DES PLANTES EN AGRICULTURE ?

Avec près de 20 ans d’expérience dans l’évaluation et le développement de produits de stimulation (biostimulants et stimulateurs de défense des plantes), il m’apparaît crucial de les démocratiser afin d’activer des leviers jusqu’alors oubliés des itinéraires de productions d’après-guerre. Mais le plus difficile est de faire rentrer les biostimulants dans une catégorie réglementaire tant leur action est plurielle. La science permet d’apporter la compréhension mécanistique de ces modes d’action « stimulants » à la frontière entre nutrition et protection. Il s’agit de physiologie végétale. Le principal frein à l’acceptation et au développement des produits de stimulation réside dans la difficulté de leur prise en main par les utilisateurs, avec des modes d’action indirects passant par la plante et ne ciblant pas les carences et/ou les bio-agresseurs comme par le passé.

La biostimulation est à l’agriculture ce que la nutraceutique est à la pharmacie, sur le principe que tout organisme vivant possède un équilibre nutritionnel optimal et peut être fortifié pour faire face aux agressions extérieures. Pris individuellement, les biostimulants ont un impact positif mais leur association à d’autres produits de stimulation est encore méconnue, et risque de conduire à des antagonismes physiologiques affectant les rendements. C’est pourquoi, dès mon arrivée, je me suis attachée à associer des produits de stimulation entre eux (biostimulants et biocontrôle), en tenant compte du programme de nutrition et de protection des plantes, et ce, en utilisant l’aide des outils numériques (OAD) dans une approche globale de production au terrain (concept PNS2.0). L’enjeu final étant de décloisonner la classique vision dichotomique de la production végétale autour d’un même objectif : la « santé » des plantes où les biostimulants auront naturellement leur place !

 

> PENSEZ-VOUS QUE LA STIMULATION DES PLANTES RÉVOLUTIONNE L’AGRICULTURE ?

Même si l’intégration de ces nouvelles solutions dans une démarche d’itinéraire de culture agro-écologique est indispensable, les produits de stimulation ne sont qu’une alternative dans un système complexe. L’agriculture du futur se doit d’être pensée à une échelle globale, décloisonnée, avec la prise en compte de l’intégralité de l’écosystème plante-environnement sans oublier l’apport du numérique et les transformations technologiques du monde agricole actuel et à venir…

Aujourd’hui, l’agriculture est à une étape charnière avant une profonde mutation attendue de la production végétale via notamment la ré-exploitation des ressources génétiques (plantes / habitat) et la sélection de produits et technologies innovants basés sur ce nouveau paradigme. Frayssinet s’y prépare dès à présent en intégrant des projets de recherche fondamentaux et structurants pionniers et d’envergure aux côtés des acteurs majeurs de la recherche publique pour anticiper le développement d’innovations de rupture à moyen et long terme.

En faisant le lien entre la recherche scientifique fondamentale et appliquée, l’innovation et le développement de solutions organiques efficaces au terrain, Frayssinet accompagne l’expression de mon ipséité et ma vision de rupture à long terme autour de nos valeurs communes, humanistes, éthiques pour le bien-être des générations futures, dans le respect de notre environnement et du travail des hommes.

 

La connaissance n’est pas le fruit du hasard…

 

Marie-Emmanuelle Saint-Macary

 

Propos recueillis par Thibault Touzeau

 

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